Comités de SELAS : vigilance sur l’attribution des pouvoirs

selas

La 2ème chambre civile de la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 1er février 2024 [1], que la dénomination statutaire « comité de surveillance » ne fait pas obstacle à la qualification de leurs membres en tant que dirigeants d’une SAS. A cette occasion, il paraît opportun de rappeler la vigilance qu’il convient d’adopter lors de l’instauration de ces comités ou conseils statutaires au sein des SAS comme au sein des SELAS.

Dans les sociétés par actions simplifiée (SAS), la seule exigence légale relative aux dirigeants est la désignation d’un président pour assurer les fonctions de direction de la société. La liberté statutaire, caractéristique des SAS, permet toutefois de prévoir la mise en place d’autres dirigeants au sein de la société, tels des directeurs généraux ou encore des directeurs généraux délégués.

D’autres organes, notamment collégiaux, peuvent être institués dans les SAS, et revêtir des appellations variées (comité de direction, comité de surveillance, comité stratégique ou consultatif, etc.).

Nonobstant leurs qualificatifs, ces comités ou conseils peuvent être regroupés en deux catégories :

  • Ceux dont une partie des pouvoirs « directionnels » relève habituellement de la compétence du président ; ces organes dotés d’un réel pouvoir de direction peuvent alors s’apparenter au conseil d’administration existant dans les SA ;
  • Ceux qui ont pour mission de contrôler les organes de direction de la société, sans en assumer la direction et la gestion ; ces derniers reçoivent généralement, de la part des dirigeants, un reporting régulier sur l’activité de la société, ou encore proposent voire définissent les orientations stratégiques de la société.

D’autres encore ont parfois un simple rôle consultatif, et rendent des avis préalables à l’adoption de décisions importantes par les dirigeants sociaux.

La Cour de cassation rappelle que la qualification de dirigeants des membres de tels comités doit s’apprécier au regard des prérogatives que les statuts leur confèrent.

Dès lors, si l’attribution de certains pouvoirs permettent de considérer que l’organe concerné s’immisce dans la gestion de la société, il s’agira en réalité d’un organe de direction ; un faisceau d’indices concordant pourra ainsi être retenu afin de qualifier d’organe de direction le comité ou le conseil, notamment dans l’hypothèse où celui-ci participerait activement à la gestion de la société.

A cet égard, il importe peu que le comité ou le conseil soit instauré par les statuts ou par un acte extrastatutaire (tel qu’un pacte d’associés).

Dans les SELAS, une attention particulière doit être portée à l’octroi des pouvoirs et compétences de tels comités ou conseils. En effet, si ces organes – et les membres qui les composent – se voient effectivement conférer ou déléguer certaines attributions appartenant en principe aux dirigeants sociaux, ils pourraient être alors eux-mêmes considérés comme tels.

Or, les dispositions spéciales applicables aux sociétés d’exercice libéral prévoient expressément que leurs dirigeants doivent être désignés parmi les associés exerçant la profession constituant l’objet social.

C’est la raison pour laquelle, dans certains cas, les comités ou conseils institués dans les SELAS devront être composés, à tout le moins majoritairement, par des associés exerçants.

A l’inverse, dans l’hypothèse où les prérogatives du comité ou du conseil en cause seraient de nature purement consultative, rien ne devrait s’opposer à ce que ses membres ne soient pas nécessairement des associés exerçants.

Pour mémoire, à la suite de quatre décisions du Conseil d’Etat du 7 juillet 2023 intéressant les sociétés vétérinaires, une doctrine d’emploi a été établie en concertation avec les groupes vétérinaires et le conseil de l’Ordre des vétérinaires. Selon cette doctrine, la répartition des pouvoirs – notamment décisionnels – entre les différents organes statutaires doit impérativement préserver l’indépendance des vétérinaires.

Ce principe, en vertu duquel le contrôle effectif des sociétés de vétérinaires doit appartenir aux professionnels qui y exercent, a plus largement vocation à s’appliquer à toutes les autres professions libérales réglementées.

Enfin, la reconnaissance du statut de dirigeant de fait d’un comité ou conseil et, par extension, de ses membres, expose ces derniers, en cas de faute, à l’engagement de leur responsabilité civile (dans le cadre de leur gestion) voire pénale (par exemple en cas de procédure collective ouverte à l’encontre de la société et à l’occasion de laquelle des abus seraient constatés).

Dans le cadre particulier de la SELAS, la reconnaissance du statut de dirigeant d’un comité ou d’un conseil qui serait composé de tiers non exerçants, pourrait être interprétée comme portant atteinte à l’indépendance des associés professionnels en exercice et, le cas échéant, exposer à des sanctions disciplinaires.

[1] Cass. Civ. 2, 1er février 2024, 21-25.175