L’encadrement des centres de santé dentaire, ophtalmologique et orthoptique

 

Héritier du dispensaire, le centre de santé est un lieu de santé de proximité au sein duquel exercent différents professionnels de santé (médecins généralistes, dentistes, infirmiers, kinésithérapeutes, etc.). Ils ne constituent ni des cabinets libéraux, ni ne dépendent du service public hospitalier.

Pensés comme des centres de premiers recours ouverts à tous, et ayant principalement pour objectif de réduire les inégalités sociales de santé, les activités qu’ils pratiquent regroupent des actes préventifs, de diagnostic et de soin, au sein du centre ou à domicile.

La principale caractéristique du centre de santé, qui le différencie d’un cabinet de groupe « classique », est la mise en place d’un gestionnaire du centre, « promoteur » – qui peut être une municipalité, une mutuelle, une association, ou encore un établissement de santé, et qui a pour objectif de porter un projet de santé populationnel et territorial.

C’est ce projet de santé, attestant de l’exercice coordonné des praticiens du centre, qui doit être transmis à l’Agence Régionale de Santé (ARS) pour justifier de l’opportunité de l’ouverture dudit centre.

Selon le Ministère de la Santé et de la Prévention, il existait en 2022 plus de 2.550 centres de santé. L’assouplissement des conditions d’ouverture des centres de santé, porté par la loi HPST (Hôpital, Patients, Santé et Territoire) du 21 juillet 2009 et la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, a permis à la création de ce type de structure de connaître un essor important ; la création de centres de santé dentaires a ainsi connu une augmentation de +60% depuis 2017.

En effet, la suppression de l’obligation d’obtenir l’agrément de l’Agence Régionale de Santé (ARS) pour ouvrir un centre de santé a considérablement facilité leur constitution.

·Cette suppression a toutefois entraîné un certain nombre de dérives, particulièrement dans les domaines dentaire, ophtalmologique et orthoptique, qui ont amené le législateur à revenir sur sa décision.

Les scandales Dentexia (en 2015) et Proxidentaire (en 2021) ont poussé les pouvoirs publics à ordonner la conduite d’une étude de fond sur le fonctionnement des centres de santé ; le rapport issu de cette étude a donné lieu à une proposition de loi déposée le 18 octobre 2022, puis à l’adoption de la loi du 19 mai 2023 relatives aux centres de santé dentaires, ophtalmologiques ou orthoptiques [1].

Cette nouvelle loi réintroduit la nécessité d’obtenir un agrément délivré par l’ARS préalablement à l’ouverture d’un centre de santé concerné.

Un projet de santé devra être versé au dossier de demande d’agrément, ainsi qu’une déclaration de liens et conflits d’intérêts de tous les membres de l’instance dirigeante du centre et tout contrat liant le gestionnaire à des sociétés tierces devra être communiqué. L’agrément sera délivré de manière provisoire, et ne pourra devenir définitif qu’à l’issue d’un délai d’un an. Durant cette période une éventuelle visite de conformité pourra être conduite.

L’ARS pourra refuser l’agrément au centre ne remplissant pas les objectifs de conformité, ou en cas d’incompatibilité du projet de santé présenté avec les objectifs et les besoins définis dans le cadre du projet régional de santé.

Les centres de santé existants devront également obtenir l’agrément de l’ARS dans ces conditions, et déposer leur donner de demande d’agrément dans les six mois à compter de la promulgation de la loi. Tout centre n’ayant pas obtenu l’agrément d’un délai de 30 mois à compter du 19 mai 2023 sera fermé définitivement.

♦  En plus du dossier d’agrément, devront également être communiqués à l’ARS et à l’ordre professionnel concerné, et ce à chaque embauche, tout avenant au contrat de travail ou document afférent à la rupture d’un contrat de travail, un organigramme du centre de santé mis à jour ainsi que la copie des diplômes des chirurgiens-dentistes, assistants dentaires, ophtalmologistes et orthoptistes concernés.

Le conseil départemental de l’ordre concerné rendra un avis motivé au directeur de l’ARS sur les diplômes et contrats de travail qui lui auront été transmis.

Par ailleurs, les documents versés au dossier d’agrément devront être actualisés et communiqués de nouveau à l’ARS, sur sa demande, afin d’éviter les dérives postérieures à l’ouverture du centre.

♦  Un registre national des suspensions et des fermetures de centres de santé sera créé afin d’empêcher le nomadisme de certains gestionnaire de centres. En effet, sous le régime antérieur, un gestionnaire dont l’un des centres était fermé par l’ARS pouvait ouvrir un autre centre dans une autre région sans que l’ARS de la seconde région ne soit en mesure de connaître les raisons de la fermeture du premier centre. Les ARS seront ainsi en mesure de vérifier les éventuels antécédents des gestionnaires des centres.

♦  L’information à l’égard des patients est également renforcée, particulièrement en ce qui concerne les noms et qualités des praticiens du centre qui devront être clairement indiqués dans les locaux du centre et sur le site Internet de ce dernier.

Le règlement intégral des soins préalablement à leur réalisation sera désormais interdit et les patients devront être informés de l’éventuel déconventionnement du centre par l’assurance maladie.

En cas de fermeture d’un centre, les patients seront informés par l’ARS et les dossiers médicaux des patients, conservés par le centre, devront être transmis à leur nouveau praticien.

♦  Dans les centres ophtalmologiques, le nombre d’assistants médicaux ne pourra dépasser le nombre de médecins.

♦  Dans les centres dentaires et ophtalmologiques, si plus d’un praticien est employé à ce titre, un comité dentaire ou médical devra être constitué. Il regroupera l’ensemble des professionnels exerçant au sein du centre au titre de l’activité dentaire ou ophtalmologique et sera responsable, avec le gestionnaire, de la politique d’amélioration continue de la qualité, de la pertinence et de la sécurité des soins.

♦  L’interdiction de la publicité des soins dans tous les centres de santé est renforcée ; ainsi est prohibée toute forme de publicité en faveur des centres de santé mais également toute publicité « incitant à recourir à des actes ou à des prestations délivrés par ces derniers ».

Pour mémoire, le Conseil constitutionnel ainsi que la Cour de cassation ont confirmé la conformité à la constitution de l’interdiction de la publicité des centres de santé lors de décisions récentes (2022 et 2023).

♦  Les sanctions en cas de non-respect des obligations mise en place par la loi du 19 mai 2023 sont également précisées, avec notamment la création d’un barème de sanctions administratives, le renforcement des sanctions financières, et des informations auprès des ARS, des caisses primaires d’assurance maladie et des ordres professionnels compétents en cas de fermeture d’un centre.

En cas de sanction financière, cette dernière fera également l’objet d’une publication sur le site Internet de l’ARS ; le centre sera mis en demeure de publier ces décisions sur son site internet (s’il existe) et de le faire figurer dans les informations mises à la disposition du public par le biais d’une plateforme de mise en relation électronique (Doctolib, etc.).

[1] Loi n° 2023-378 du 19 mai 2023 visant à améliorer l’encadrement des centres de santé