Actualités juridiques et fiscale – Décembre 2019
ACTUALITES JURIDIQUES
1. Simplification du rachat par une société de ses propres actions
La loi de simplification du droit des sociétés supprime l’obligation de respecter l’égalité entre les actionnaires dans la mise en œuvre des programmes de rachat d’actions des sociétés non cotées, la société n’a donc plus à adresser une offre de rachat à tous ses actionnaires.
Par ailleurs, lorsqu’une société non cotée rachetait des actions sans les utiliser, ces actions pouvaient être réaffectées à une autre finalité sur décision d’une nouvelle assemblée générale ordinaire. Depuis le 21 juillet 2019, l’assemblée appelée à autoriser le rachat d’actions peut d’emblée permettre aux dirigeants d’utiliser les actions rachetées pour une autre finalité que celle initialement prévue.
2. Modification du régime de la clause d’exclusion dans les SAS
La loi de simplification du droit des sociétés soumet les clauses d’exclusion au même régime que les clauses d’agrément : elles peuvent être adoptées ou modifiées par une décision collective des associés dans les conditions prévues par les statuts, la majorité pourrait donc suffire au lieu de l’unanimité auparavant exigée.
Cependant, cette mesure se heurte au principe selon lequel les engagements des associés ne peuvent être augmentés sans le consentement de chacun, une incertitude demeure donc sur la possibilité d’appliquer cette disposition de la loi de simplification.
Pourront toutefois être modifiées à la majorité, les modalités de l’exclusion et la suppression d’une telle clause dans la mesure où ces modifications n’augmentent pas les engagements des associés.
3. Clarification des droits du nu-propriétaire et de l’usufruitier lors des assemblées
La loi de simplification du droit des sociétés pose le principe, pour toutes les sociétés, du droit pour le nu-propriétaire et l’usufruitier de participer aux décisions collectives, quel que soit le titulaire du droit de vote et sans que les statuts ne puissent y déroger, peu importe que l’usufruitier n’ait pas la qualité d’associé.
Il en résulte que l’usufruitier doit être convoqué à toutes les assemblées et qu’il a le même droit d’information que le nu-propriétaire.
De même, en cas de consultation écrite, l’usufruitier doit être informé de la consultation et de son objet, même si le droit de vote est exercé par le nu-propriétaire. Cette règle s’applique également à la location de titres.
Par ailleurs, depuis le 21 juillet 2019, pour les sociétés civiles, les SARL, les SNC, les SCS et les SAS, le droit de vote appartient à l’usufruitier pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices. Pour les autres décisions, le droit de vote appartient au nu-propriétaire même s’ils peuvent en convenir autrement : les statuts ne peuvent pas interdire ni limiter cette convention bien qu’ils puissent aménager la répartition des droits de vote.
4. Elargissement du recours aux régimes de fusion simplifiée
Pour mémoire, l’absorption par une société d’une filiale dont elle détient 100 % du capital peut être soumise à un régime simplifié : l’approbation des associés des sociétés absorbante et absorbée n’est pas requise (sauf demande expresse d’associés de l’absorbante représentant au moins 5 % du capital), de même que l’établissement du rapport des dirigeants et l’intervention des commissaires à la fusion et aux apports.
Un régime similaire bénéficie aux fusions entre sociétés par actions si la société absorbante détient au moins 90 % des droits de vote de la filiale absorbée : l’approbation des associés de l’absorbante n’est pas exigée (sauf demande expresse d’associés représentant au moins 5 % du capital) et la dispense d’établissement des rapports des dirigeants et des commissaires à la fusion est soumise à conditions.
La loi de simplification du droit des sociétés étend ces régimes simplifiés aux opérations suivantes :
- – lorsque dans une fusion, une même société mère détient en permanence, depuis le dépôt du projet de fusion jusqu’à la réalisation de l’opération, 100% du capital ou au moins 90% des droits de vote de la société absorbante et de la société absorbée. Dans cette hypothèse, il n’y a pas lieu de procéder à un échange de titres ;
- – en cas de scission d’une société au bénéfice de plusieurs sociétés sœurs ;
- – lors d’un apport partiel d’actifs entre une filiale et sa société mère détenant la totalité du capital de sa fille ;
- – inversement, lors d’un apport partiel d’actifs réalisé par une société mère à sa filiale détenue à 100 %.
- – Lors d’une fusion entre sociétés civiles si la société absorbante détient au moins 90 % du capital de la société absorbée depuis le dépôt du projet de fusion jusqu’à la réalisation de l’opération. Cette hypothèse ne peut pas concerner les SCP dans la mesure où le capital est nécessairement détenu par des personnes physiques.
5. Modification du régime des commissaires aux comptes
La loi Pacte avait introduit la possibilité, pour les associés représentant au moins un quart du capital d’une SARL, SNC et SCS, de demander la désignation d’un commissaire aux comptes. Depuis le 21 juillet 2019, cette possibilité est étendue aux actionnaires de SA et aux associés de SCA et de SAS. Quelle que soit la forme sociale, la demande doit désormais être présentée par des associés/actionnaires représentant aux moins le tiers (et non plus le quart) du capital et être motivée.
Par ailleurs, la loi de simplification prévoit qu’une SAS non tenue de désigner un commissaire aux comptes peut en nommer un à la seule fin d’établir le certificat constatant l’augmentation de capital par compensation d’une créance.
6. Dispense d’évaluation des apports en industrie et des avantages particuliers dans la SAS
La loi de simplification du droit des sociétés dispense la SAS de faire évaluer par un commissaire les apports en industrie ainsi que les avantages particuliers octroyés lors de la constitution de la société, en revanche, les avantages particuliers octroyés en cours de vie sociale devront nécessairement être évalués.
7. Sort d’une décision collective de SARL prise irrégulièrement
La décision des associés de SARL modifiant les statuts prise en violation des règles de quorum et de majorité peut entrainer sa nullité à la demande de tout intéressé.
8. Augmentation de capital réservée aux salariés
La loi de simplification du droit des sociétés supprime l’obligation faite aux SA, SCA et SAS dont les actions détenues par les salariés représentent moins de 3% du capital social de convoquer tous les trois ans une assemblée générale extraordinaire appelée à se prononcer sur une augmentation de capital réservée aux salariés adhérant à un plan d’épargne d’entreprise.
En revanche, l’obligation, lors de toute décision d’augmentation du capital par apport en numéraire dans une société par actions, de se prononcer sur un projet de résolution d’augmentation réservée aux salariés est maintenue.
9. Simplification en matière de fonds de commerce
Depuis le 21 juillet 2019, toute vente de fonds de commerce peut être conclue sans qu’il soit nécessaire d’établir un acte de vente comportant des mentions obligatoires (notamment : le nom de la personne qui avait vendu le fonds de commerce au vendeur, la date et le prix de cette vente, l’état des privilèges et nantissements grevant le fonds, le chiffre d’affaires et les résultats d’exploitation réalisés au cours des trois exercices comptables précédant celui de l’apport).
Par ailleurs, la loi supprime l’impossibilité pour le propriétaire d’un fonds de commerce de le mettre en location-gérance s’il ne l’avait pas déjà exploité pendant deux ans au moins.
10. Une SARL se reconnaît débitrice du solde d’un compte courant d’associé dans un rapport du gérant
Un nouveau décret permet désormais d’établir et de conserver sous forme électronique les procès-verbaux des assemblées et les registres des décisions collectives.
La signature électronique apposée sur ces documents devra toutefois respecter les exigences de la signature qualifiée du règlement européen 910/2014 :
- – la signature est liée au signataire de manière univoque ;
- – elle permet d’identifier le signataire ;
- – elle a été créée à l’aide de données de création de signature que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif ;
- – elle est liée aux données associées à cette signature, de telle sorte que toute modification ultérieure soit détectable.
Par ailleurs, ces documents dématérialisés seront datés de manière électronique au moyen d’un horodatage offrant toute garantie de preuve.
11. Dématérialisation des procès-verbaux et registres
Un nouveau décret permet désormais d’établir et de conserver sous forme électronique les procès-verbaux des assemblées et les registres des décisions collectives.
La signature électronique apposée sur ces documents devra toutefois respecter les exigences de la signature qualifiée du règlement européen 910/2014 :
- – la signature est liée au signataire de manière univoque ;
- – elle permet d’identifier le signataire ;
- – elle a été créée à l’aide de données de création de signature que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif ;
- – elle est liée aux données associées à cette signature, de telle sorte que toute modification ultérieure soit détectable.
Par ailleurs, ces documents dématérialisés seront datés de manière électronique au moyen d’un horodatage offrant toute garantie de preuve.
ACTUALITES FISCALES
1. Apport-cession : la vente à soi-même n’est pas un réinvestissement économique
Le Conseil d’État estime que lors d’une opération d’apport-cession de titres placée en sursis d’imposition avant le 14 novembre 2012, le réinvestissement du produit de cession dans l’acquisition de titres appartenant au contribuable ne présente pas un caractère économique.
En effet, il considère que l’acquisition par la société bénéficiaire de l’apport de biens appartenant au contribuable ne peut être regardé comme un investissement à caractère économique dès lors qu’elle permet à celui-ci d’appréhender tout ou partie du produit de cession des titres ayant fait l’objet de l’opération d’apport.
A noter que depuis le 14 novembre 2012, les opérations d’apport-cession sont encadrées par un dispositif de report d’imposition de plein droit de la plus-value d’apport à une société contrôlée par l’apporteur.
Si cet arrêt concerne l’ancien régime applicable avant 2012, il ne semble pas dénué de portée sur le nouveau dispositif de report d’imposition. Il permet d’éclairer notamment la notion d’investissement du produit de la cession dans une activité économique.
Pour mémoire, les plus-values de cession de titres de PME de moins de 10 ans acquis avant 2018 – et soumises au barème progressif de l’impôt sur le revenu – peuvent être réduites d’un abattement pour durée de détention renforcé si notamment la société dont les titres sont cédés n’est pas issue d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes.
La situation selon laquelle une PME est constituée par apport d’une entreprise individuelle existante est par principe de nature à priver le cédant du bénéfice de l’abattement.
2. Plus-values de cession de titres de PME de moins de 10 ans : abattement renforcé applicable en cas de reprise d’une entreprise individuelle
Pour mémoire, les plus-values de cession de titres de PME de moins de 10 ans acquis avant 2018 – et soumises au barème progressif de l’impôt sur le revenu – peuvent être réduites d’un abattement pour durée de détention renforcé si notamment la société dont les titres sont cédés n’est pas issue d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes .
La situation selon laquelle une PME est constituée par apport d’une entreprise individuelle existante est par principe de nature à priver le cédant du bénéfice de l’abattement.
L’administration admet que cette circonstance particulière ne fait pas obstacle à l’application de l’abattement lorsque :
- – d’une part, l’apport par le contribuable de son entreprise individuelle est intervenu moins de 10 ans après qu’il a créé cette entreprise, qui constituait elle-même une PME à la date de l’apport et n’était pas issue d’une activité préexistante à sa création ;
- – et, d’autre part, la société bénéficiaire de l’apport est créée par le contribuable avec pour objet exclusif la poursuite de l’activité de son entreprise individuelle sans extension ni création d’activité nouvelle.
3. Principales mesures du projet de loi de finances pour 2020
Le gouvernement a présenté le projet de loi de finances pour 2020 (PLF2020) qui traduit les ambitions politiques : baisser massivement les impôts et préparer l’avenir. L’assemblée nationale a adopté la première partie du PLF2020. Les principales mesures sont :
– Aménagement de la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés des grandes entreprises (art 11) : la LF2020 confirme la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) en 2020 pour toutes les entreprises, y compris pour celles ayant 0réalisé un chiffre d’affaires égal ou supérieur à 250 M€. Elle fixe les taux suivants pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est égal ou supérieur à 250 M€ :
Exercice | Taux |
01.01.2020 | 28 % jusqu’à 500k€ – 31 % au-delà |
01.01.2021 | 27,50% |
après 01.01.2022 | 25% |
La trajectoire de baisse du taux d’IS prévue par la LF2018 demeure inchangée pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 250 M€ :
Exercice | Taux |
01.01.2020 | 28% |
01.01.2021 | 26,50% |
après 01.01.2022 | 25% |
– Baisse de l’impôt sur le revenu (art 2) : à compter de l’imposition des revenus de l’année 2020, les tranches d’imposition de l’impôt sur le revenu seront revues. Ainsi :
- – le taux de la première tranche passera de 14 % à 11 % ;
- – la pente de la décote sera atténuée ;
- – le gain résultant de ces évolutions sera plafonné à un montant d’environ 125 € pour une part pour les foyers relevant de la tranche au taux de 30 % et sera neutralisé pour les foyers relevant des tranches aux taux de 41 % et 45 %.
– Simplification de la déclaration de l’impôt sur le revenu (art 58) : Pour de nombreux Français, la déclaration préremplie de revenus mise à disposition chaque année par l’administration fiscale ne nécessite ni compléments ni rectifications, notamment les foyers fiscaux dont les revenus sont intégralement transmis à la DGFiP par des tiers (employeurs, caisses de retraite, etc.).
Aujourd’hui, les contribuables ont toujours l’obligation de souscrire et de transmettre leur déclaration de revenus, alors même qu’ils sont imposés sur la seule base des informations transmises par des tiers.
À partir de 2020, les foyers fiscaux répondant à certains critères, pourront remplir cette obligation de manière tacite. Dès lors qu’ils n’ont rien à modifier, ils n’auront plus aucune démarche à effectuer.
– Suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale pour tous les Français (art 5) : la taxe d’habitation sur les résidences principales sera intégralement supprimée pour 80 % des ménages en 2020.
Pour les 20 % des ménages restants, la suppression de la taxe d’habitation se déploiera jusqu’en 2023, date à laquelle plus aucun foyer ne paiera de taxe d’habitation sur sa résidence principale.
La taxe d’habitation sur les résidences secondaires et sur les logements vacants sera maintenue.
– Facturation électronique obligatoire à compter de 2023 : les factures que les assujettis à la TVA sont tenus d’émettre pour les opérations qu’ils réalisent peuvent actuellement être transmises sous format papier ou électronique.
La LF2020 prévoit que les factures établies dans le cadre des relations entre assujettis à la TVA seraient obligatoirement émises sous forme électronique à compter du 1er janvier 2023, et au plus tard au 1er janvier 2025.
Les données figurant sur ces factures électroniques devraient, par ailleurs, être systématiquement transmises à l’administration fiscale pour leur exploitation à des fins, notamment, de collecte et de contrôle de la TVA
L’entrée en vigueur de cette obligation serait progressive, entre le 1er janvier 2023 et le 1er janvier 2025. Le calendrier et les modalités d’application du dispositif seraient fixés par décret en fonction, notamment, de la taille des entreprises concernées et du secteur d’activité dans lequel elles interviennent.
– Taux de la QPFC sur cession de titres relevé (art 13 octies) : les députés ont inséré un nouvel article dans le PLF2020 afin d’augmenter la quote-part de frais et charges imposable en cas de cession de titres de participation. Elle serait portée de 12% actuellement à 13,29% du montant brut de la plus-value.
Les sénateurs ayant supprimé cette mesure, il convient d’attendre l’adoption définitive de la loi de finances pour 2020 afin de connaître le dispositif qui s’appliquera en 2020.
– Donation de titres lors d’un apport-cession (art 47A) : pour mémoire, en cas d’apport-cession de titres à une société contrôlée par l’apporteur, la plus-value est placée en report d’imposition. Si l’apporteur consent une donation des titres de la société bénéficiaire de l’apport, le donataire contrôlant la société devient redevable de la plus-value s’il cède les titres reçus dans un délai de 18 mois à compter de la donation.
Les députés ont porté ce délai de 18 mois à 5 ans pour les dons réalisés à compter du 1er janvier 2020.
4. Remise en cause du régime de report d’imposition des plus-values d’apport
La CJUE considère que le régime français du report d’imposition des plus-values lors d’apports de titres est incompatible avec le principe de neutralité d’échange de titres prévu par la directive européenne « fusions ».
La directive « fusions » prévoit que les échanges de titres réalisés lors de restructurations d’entreprises doivent être neutralisés fiscalement.
Lors de la transposition de cette directive en droit français, un mécanisme de sursis a été instauré.
Or depuis 2012, la France a mis en place un nouveau mécanisme de report automatique des plus-values lors d’un apport de titres réalisé au profit d’une société contrôlée par l’apporteur .
Pour mémoire :
- – une plus-value en sursis n’est ni constatée, ni déclarée ; les titres reçus lors de l’apport se substituent simplement aux titres apportés. L’événement est neutre fiscalement ;
- – une plus-value en report est constatée, déclarée à l’administration fiscale mais non imposée dans l’immédiat.
Dès lors, à l’occasion de la cession des titres reçus lors de l’apport, le calcul de la plus-value n’est pas le même si l’apport a bénéficié d’un sursis ou d’un report. Si lors du sursis l’évènement d’apport n’a pas de conséquence fiscale, lors d’un report, deux plus-values doivent être constatées – la plus-value d’apport puis la plus-value de cession réalisée sur les titres reçus lors de l’apport.
La CJUE remet en cause cette distinction française et cette décision emportera des conséquences pour les contribuables :
- – les contribuables imposés au titre d’un report pourront se prévaloir de cet arrêt afin que leur plus-value soit recalculée et le différentiel d’imposition remboursé (attention aux délais de réclamation) ;
- – pour les autres – contribuables non encore imposés à ce titre mais concernés par un report – le Conseil Constitutionnel devra statuer sur cette question et se positionner sur l’existence d’une discrimination à rebours.
Le législateur devra prochainement modifier les dispositions applicables aux sursis/reports d’imposition.